
Olivier Broche : Comment as-tu connu La Manekine ?
Élisabeth Mazev : J’ai rencontré Pascal et Vincent Reverte, il y a 2 ans lors du festival d’Avignon. Nous avons sympathisé. Quelques semaines plus tard, Pascal m’a contacté et parlé de ce projet autour de Nadia Comaneci. J’avais vu I Feel good, joué par Pascal Reverte et Aude Léger et mis en scène par Vincent Reverte, j’avais adoré. Alors j’ai dit oui ! Frédérique Keddari-Devisme, la metteuse en scène avec qui j’ai travaillé à Avignon a déjà co-mis en scène un spectacle avec Vincent Reverte, à l’infini du baiser.
O. B. : Ta fille joue dans ce spectacle, non ?
E. M. : Oui ! C’est son premier rôle. Je n’ai pas commencé aussi jeune qu’elle. J’étais copine de classe avec Olivier Py depuis le CE2, on s’est mis au théâtre. Mais professionnellement, j’ai mis un moment à me dire que c’est ça que je voulais faire. Je crois que c’est un complexe de fille de migrant, il faut avoir un vrai travail. Mais c’est moi qui me suit mis ça dans la tête…
O. B. : J’avais ça aussi dans ma famille. C’était « Fais ce que tu veux après, mais travaille d’abord ». C’est plus le milieu bourgeois dans lequel j’ai grandi qui faisait que comédien c’était invraisemblable. C’est par défaut que j’ai fait du théâtre…
E. M. : Par défaut ?
O. B. : Oui, je ne savais pas ce que je voulais faire… Je me suis inscrit à la fac et j’y ai fait du théâtre. Et puis, j’ai arrêté les études scientifiques… Alors, tiens je vais essayer le théâtre ! Par défaut mais en même temps habité. Le désir peut être aussi profond chez quelqu’un qui n’a pas la « vocation » que chez quelqu’un qui a toujours été habité par ça. Ça n’enlève rien au plaisir de jouer…
E. M. : Peut-être même que ça ajoute !
De voir les choses de manière un peu plus légère.
O. B. : Oui, j’avais une rage en moi. Il n’empêche que j’ai le trac…
E. M. : Je me suis sentie légitime assez vite. En revanche, rassurée, je ne le suis toujours pas. D’autant plus quand on est une femme parce qu’il y a moins de travail, moins de rôle. Force est de constater qu’il n’y a rien d’autre que je puisse faire.
O. B. : Tu as tout de même écrit des pièces, tu as publié. Le sentiment d’imposture on l’a tous à un moment. Quand Pascal m’a proposé le projet, je lui ai fait confiance. J’aime ne pas savoir où ça va… C’est excitant.
E. M. : Avec l'écriture de Pascal, on est déséquilibré mais pas mis en danger.
O. B. : On n’envisage pas le spectacle comme historique ou biographique. On cherche comment jouer ensemble. J’ai beaucoup lu, regardé des documentaires sur Nadia, sur la Roumanie de cette époque-là. Ce que cherche à créer Pascal, c'est une biographie fantasmée. C'est ce que nous tentons de faire émerger avec toute l'équipe.
E. M. : On termine la résidence à La Manekine cette semaine. Et nous jouons à Beauvais dans un mois. D’ailleurs il va falloir qu’on retourne répéter !